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Affaire Trabelsi - la Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme


La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé un arrêt, ce 4 septembre 2014, condamnant la Belgique pour avoir violé l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, en extradant Nisar Trabelsi vers les Etats-Unis, où il sera jugé pour des faits de terrorisme.


Nisar Trabelsi ne risque pas d’être torturé ou exécuté aux Etats-Unis, mais il pourrait bien – s’il est reconnu coupable par le Tribunal fédéral saisi des poursuites - y subir une condamnation à perpétuité.


Or la Cour estime, en substance, que si une condamnation à perpétuité n’est pas en soi un traitement inhumain et dégradant, c’est à la condition que la peine prononcée ne soit pas, en fait ou en droit, incompressible. Un réexamen de la condamnation doit donc être possible, selon des critères et des conditions fixés à l’avance.


Selon la Cour, la législation américaine n’offrirait pas une telle garantie, de sorte que l’extradition d’un suspect vers ce pays constituerait un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.


Outre la condamnation morale que contient une telle décision, la Belgique et ses contribuables sont condamnés à indemniser Trabelsi à hauteur de 90.000 €.


Un résumé de l’arrêt peut être trouvé ici. L’arrêt complet est bien entendu également publié sur le site de la Cour (CEDH, 4 sept. 2014, Trabelsi c. Belgique, Req. n° 140/10).


La Belgique dispose d’une possibilité d’appel qui, au regard du raisonnement sujet à discussion sur lequel repose cet arrêt, devrait à tout le moins être tenté.


A noter, une opinion certes concordante, mais à mon sens bien plus juste et équilibrée, de la juge ukrainienne Ganna Yudkivska. Celle-ci relève notamment, au sujet du consensus qui semble exister en Europe quant au fait que la politique pénale vise, en définitive, à la réinsertion sociale du détenu dans la société que « nous ne pouvons imposer à l’ensemble de la planète l’évolution des normes européennes et la notion européenne de réinsertion en tant que but clé de l’incarcération ».


En définitive, en affirmant que la Belgique viole l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme en extradant un détenu vers un pays démocratique qui autorise – au terme d’un procès mené devant une juridiction indépendante et impartiale - les condamnations à perpétuité, la Cour européenne des droits de l'homme ne contribue-t-elle pas à trivialiser le concept même de traitement inhumain et dégradant ? La question mérite en tout cas d'être posée.

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