La fin du principe du recrutement statutaire chez Bpost et Proximus

La loi du 16 décembre 2015 « modifiant la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques » a été publiée au Moniteur belge du 12 janvier 2016.
Les diverses modifications que comporte cette loi sont d’abord destinées, selon l’exposé des motifs du projet de loi, à assouplir certaines contraintes organisationnelles pesant sur les entreprises publiques autonomes principalement actives dans des secteurs ouverts à la concurrence, pour les mettre sur un pied d’égalité avec leurs concurrents.
Notons que pour exprimer cette idée, les mots « gelijk speelveld » utilisés dans la version néerlandaise des travaux préparatoires est traduite par la très jolie expression française « level playing field ».
Ces modifications visent aussi à aligner le mode de nomination et de fonctionnement des organes de gestion des entreprises publiques autonomes cotées en bourse sur les règles ordinaires de gouvernance d’entreprise applicables aux sociétés cotées et à définir le cadre dans lequel la participation des autorités publiques dans les entreprises publiques autonomes cotées en bourse pourrait, le cas échéant, être ramenée à un niveau inférieur à 50 % plus une action (Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, Sess., 54, n° 1287/001).
Un chapitre spécifique contenant des « dispositions particulières relatives aux entreprises publiques autonomes actives dans des secteurs ouverts à la concurrence » est inséré dans la loi. Sont concernées spécifiquement par ce nouveau chapitre Bpost, Proximus et « toute autre entreprise publique autonome qui, pendant au moins deux exercices consécutifs, réalise au moins septante-cinq pour cent de son chiffre d’affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée, dans des activités qui sont ouvertes à la concurrence sans être réservées, par ou en vertu de la loi, à l’entreprise en question ». L’intégration d’une entreprise publique autonome dans cette dernière catégorie devra être consacrée par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres.
Un article 54/3 de ce nouveau chapitre consacre la disparition, pour Bpost, Proximus et les éventuelles autres entreprises publiques désignées par le Roi, du principe du recrutement statutaire, toujours contenu dans l’article 29 de la loi.

Cette évolution était annoncée dans l’accord de Gouvernement (voir cet autre post).
L’article 54/3 en question prévoit que « les entreprises publiques autonomes visées à l’article 54/1 peuvent répondre à leurs besoins en personnel par le recrutement et l’emploi de personnes en vertu d’un contrat de travail régi par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, y compris en dehors des cas prévus à l’article 29, § 1er , alinéa 2 ».
Bpost et Proximus ne sont donc plus légalement tenues de privilégier l’engagement statutaire.
Il faut souligner relever que le principe légal de l’engagement statutaire était déjà largement contourné par ces deux entreprises publiques. Comme le note le commentaire accompagnant l’article 7 du projet de loi, « l’autorisation généralisée du recrutement contractuel correspond (…) à la pratique suivie depuis plusieurs années par les entreprises concernées qui, sous la pression de la libéralisation du marché, ont dû adopter une interprétation dynamique de l’article 29, § 1er, alinéa 2, précité ».
L’explication selon laquelle la loi avait fait l’objet d’une « interprétation dynamique » constitue un bel euphémisme parlementaire. La réalité est que l’article 29 de la loi était depuis longtemps purement et simplement ignoré.
La loi du 16 décembre 2015 contient d’autres dispositions destinées à transformer, à terme, certaines entreprises publiques autonomes - dont Proximus et Bpost - en sociétés commerciales.
Un chapitre spécifique est inséré dans la loi du 21 mars 1991 contenant les « dispositions particulières relatives aux entreprises publiques autonomes cotées en bourse ».
Dès le moment où une entreprise publique autonome est cotée en bourse, diverses dispositions de la loi du 21 mars 1991 ne lui sont plus applicables.
L’article 54/7 inséré dans la loi du 21 mars 1991 prévoit ainsi la possibilité pour les autorités publiques de voir, sur décision de l’exécutif fédéral, leur participation dans ces entreprises descendre en dessous des « cinquante pourcent plus une action ».
Dès que cette opération aura été réalisée, la loi prévoit que l’entreprise concernée « cesse de ressortir de la catégorie des entreprises publiques autonomes et est supprimée de la liste de l’article 1er , § 4 » de la loi, sans préjudice des dispositions transitoires que doit prendre le Roi. Cette entreprise « est alors convertie en une société anonyme de droit privé, sans interruption de personnalité juridique ».
Ceci signifie en clair que l’entreprise deviendra alors une société privée, et ne sera plus soumise à aucune disposition spécifique de la loi. Des dispositions transitoires devront toutefois être prises par l’exécutif pour, notamment, « régler les relations individuelles de travail entre l’entreprise concernée et les travailleurs qui, à la date effective de l’opération (…) appartiennent au personnel statutaire de l’entreprise, de manière à assurer la continuité des droits de ces travailleurs en matière de stabilité d’emploi, de rémunération et de pension prévus dans les réglementations de base du statut du personnel ».